Symbole de pouvoir dans l'Occident médiéval

L’éléphant de combat au Moyen-Âge

Selon Guillaume Le Clerc de Normandie, trouvère (poète) anglo-normand du XIIIe siècle, l’éléphant est « la plus grosse bête qui existe, celle qui pourrait porter les plus lourds fardeaux » (Bestiaire divin, vers 1220). Rien d’étonnant donc à ce que cet animal ait été utilisé, en Orient, pour la guerre. En effet, Guillaume Le Clerc rapporte que les Indiens et les Perses construisaient, sur le dos des pachydermes, de grosses tours, depuis lesquelles les soldats lançaient des flèches et d’autres projectiles. Elles étaient « faites de bois travaillées à la doloire, et bien munies de créneaux ». Isidore de Séville (560-636) confirme cela dans ses Étymologies.

Au Moyen-Âge, l’éléphant avec une tour sur son dos est un motif très fréquent et qui a le mérite, à l’inverse d’autres images, d’inscrire la bête dans un univers humain et non d’être une simple représentation animalière. La plupart des images montrent un seul et large éléphant portant un château crénelé peuplé de soldats armés. Parmi les représentations occidentales de ce type de sujet, il existe quelques sculptures romanes (XIe-XIIe siècle). On y voit parfois l’éléphant guidé par un conducteur appelé « cornac », portant un fléau et placé au sol ou sur le front de l’animal.

L’influence orientale se distingue parfois dans le harnachement des éléphants et dans l’architecture de la tour que porte l’animal.

Frise église d'Andlau éléphant représenté à l'orientale
Frise romane, Andlau (Bas-Rhin), église Saint-Pierre-et-Paul, XIIe siècle.
Manuscrit Bibliothèque Nationale de France les soldats de Pyrrhus montés sur des éléphants ont l'avantage sur l'armée d'Alexandre
Wauchier de Denain, Histoire ancienne jusqu’à César, Saint-Jean-d’Acre, 3e quart du XIIIe siècle, BnF, Ms. Fr. 20125, fol. 235.

Dans les manuscrits, les représentations sont plus abondantes encore dans les miniatures. Par exemple, une miniature d’un manuscrit de la Bibliothèque Nationale de France (Ms. Fr. 20125) montre, en Inde, les soldats de Pyrrhus, montés sur des « châteaux » arrimés aux éléphants, qui mettent en déroute l’armée d’Alexandre le Grand. Ce combat est décrit dans beaucoup de sources antiques.

Même si Marco Polo (1254-1324) raconte que de telles batailles d’éléphants ont eu lieu en Orient, ces pachydermes n’ont jamais été utilisés pour la guerre en Europe après l’Antiquité. Dans les bestiaires, ces combats doivent alors être considérés comme une évocation d’un passé lointain pour évoquer la puissance militaire contemporaine.

A noter que ce type d’évocation de l’éléphant peut parfois être tournée en dérision comme dans les marges des manuscrits prévues pour amuser le lecteur et que l’on appelle « drôleries ».

Drôlerie dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale montrant un chevalier affrontant un éléphant avec un château sur le dos
Heures à l’usage de Thérouanne, nord de la France, vers 1280, BnF, Ms. Lat. 14284, fol. 18 : un chevalier affronte un éléphant avec un château dans lequel se trouvent des combattants.

Bibliographie :

DUCHET-SUCHAUX, Gaston et PASTOUREAU, Michel, Le bestiaire médiéval, dictionnaire historique et bibliographique, Paris, Le Léopard d’or, 2002, pp. 64-67.

THIBOUT, Marc, L’éléphant dans la sculpture romane française, Paris, Société Française d’Archéologie, 1947.

TESNIERE, Marie-Hélène, Bestiaire médiéval : enluminures, Paris, BnF, 2005.

HASSIG, Debra, Medieval bestiaries, text, image, ideology, Cambridge University Press, 1995, chapitre 12 : « The ideal spouse : The Elephant », pp. 129-144.

 

 

 

 

 

 

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