La plupart des artistes du Moyen-Âge n’avait jamais vu d’éléphant de leur vie, alors ils ignoraient à quoi il ressemblait. Souvent, ils empruntaient des caractéristiques à d’autres animaux, comme des oreilles de chien ou encore des sabots de cheval. Ils laissaient parler leur imagination…
Observe bien les images ci-dessous et trouve la bonne réponse aux questions :
Question n°1 : Des éléphants apparaissent parfois, sculptés dans la pierre, sur les chapiteaux des églises, comme ici à l’église de Vorly. Regarde, les trompes sont attachées avec des cordes. Peux-tu deviner quelles parties de l’éléphant les cordes viennent remplacer ? (Je te donne un indice : elles sont en ivoire)
a) Les oreilles
b) Les défenses
c) Les pattes
Au Moyen-Âge, des scribes recopiaient, à la main, les livres ; c’est pour cela qu’on les appelle « manuscrits ». A l’intérieur de ces textes, on pouvait trouver des images, appelées « miniatures » qui étaient réalisées par des peintres. Ces peintres non plus ne savaient pas très bien représenter l’éléphant…
Question n°2 : Selon toi, à quel animal cet éléphant ressemble-t-il le plus ?
a) Une panthère
b) Un rhinocéros
c) Une chèvre
Question n°3 : Et cet éléphant, à quel animal vivant dans la forêt te fait-il penser ?
a) Une vache
b) Un sanglier
c) Un renard
Question n°4 : Observe les pattes de cet éléphant. De quel autre animal familier l’artiste-a-t-il emprunté les pattes ?
a) Le lion
b) Le canard
c) La chèvre
Questions n°5 : Observe l’image ci-contre. Où se trouve la trompe de l’éléphant ?
a) Sur son ventre
b) Sur son dos
c) Sur son front
Maintenant, vérifie si tu as trouvé les bonnes réponses :
Les animaux exotiques sont très prisés au Moyen-Âge : lion, antilope, singe, panthère, hyène, rhinocéros, autruche… et bien sûr l’éléphant que l’on trouve représenté, par exemple, dans l’Arche de Noé.
Or, il n’est pas aisé de figurer un animal exotique que l’on n’a jamais vu. Les seuls éléphants présents en Europe, au Moyen-Âge, sont Aboul Abbas, l’éléphant de Charlemagne (vers 800), celui de la ménagerie de Frédéric II de Hohenstaufen (1212-1250) et celui offert par saint Louis à Henri III d’Angleterre en 1255. Entre le IXe et le XIIIe siècle, aucun éléphant ne vivait sur notre continent. Cela explique les représentations peu réalistes de ces animaux sur les sculptures romanes et dans les manuscrits de cette époque. De plus, de fausse croyances sont nées à ce moment-là sur l’éléphant : le curé Lamprecht, dans l’Alexanderlied (vers 1130) affirme que l’éléphant ne peut pas se relever s’il tombe car il n’a pas d’articulations dans ses pattes. Guillaume le Clerc (vers 1210) dit aussi que ces animaux n’ont pas de moelle, qu’ils sont particulièrement forts et qu’on ne peut les vaincre qu’en les touchant au nombril.
Certaines parties de l’éléphant représentées nous paraissent aujourd’hui bien fantaisistes. La trompe, par exemple, pouvait être représentée de manière plus ou moins originale, selon l’imagination de l’artiste. Elle apparaît tour à tour comme une ventouse, un tuyau, un entonnoir ou encore une trompette.
Jacob van Maerlant, Der Naturen Bloeme, Flandres, vers 1350, Den Haag, KoninklijkeBibliotheek, KA 16, fol. 54.
Livre des simples médecines, France, XVe s., Paris, BnF, Ms. Fr. 623, fol. 165v.
Richard de Fournival, Bestiaire d’amours, Arras, vers 1300, Paris, BnF, Ms. Fr. 25566, fol. 96v.
La trompe peut aussi apparaître sur le front.
Les sculpteurs romans ont parfois allongé la lèvre inférieure de la bouche de l’animal qui ressemble alors à un bec, comme à Aulnay-de-Saintonge, en Charente-Maritime (où l’inscription HI(C) SUNT ELEPHANTES nous fait comprendre qu’il fallait préciser cette espèce inconnue en Occident). Sur d’autres exemples, la trompe peut également sortir de la bouche de l’éléphant à la manière d’une langue (exemple à La Charité-sur-Loire).
Sculpture d’éléphant, La Charité-sur-Loire (Nièvre), église priorale Notre-Dame, XIIe s.
Chapiteau aux éléphants, entrée du collatéral sud, Aulnay-de-Saintonge (Charente-Maritime), église Saint-Pierre, XIIe s.
Quant aux défenses, elles pointent vers le haut comme celles des sangliers et sont en général placées trop haut.
Alors que dans l’église de Vorly, les défenses, mal-interprétées, deviennent des cordes liant les trompes des animaux affrontés.
Pour les oreilles, elles se dressent ou au contraire s’affaissent. Quand elles sont représentées, elles sont soit festonnées, comme sur le manuscrit français 1951 de la BnF, ou ressemblent à celles du cheval ou du chien.
Bestiaire d’amours, Paris, XIIIe – XIVe s, Paris, BnF, Ms. Fr. 1951, fol. 19 : éléphant s’endormant contre un arbre.
Tractatus de Herbis, Italie, Lombardie, vers 1440, Londres, British Library, Sloane 4016, fol. 50 v.
La queue de l’éléphant peut descendre jusque terre, à l’instar de celle du lion. A l’inverse, elle peut être presque invisible ou laineuse pareille à celle d’un mouton. Elle peut aussi être très stylisée, comme à Notre-Dame-la-Grande de Poitiers où elle se termine en fer de lance avec une touffe de poils raides.
Pour les membres, les ongles sont parfois transformés en doigts, en griffes de carnassiers ou en sabots de bovins ou encore d’équidés (ex : Speculum humanae salvationis, Allemagne, 2e moitié du XIVe siècle, Londres, British Library, Arundel 120, fol. 28).
Avec de telles représentations, on se trouve entre la faune réelle et la faune composite, sinon fantastique. Les artistes médiévaux ont fait preuve d’une naïveté attachante qui révèle leur embarras pour représenter un animal qu’ils n’avaient jamais vu et qui leur était parvenu déformé. Alors que les sculpteurs s’inspiraient de représentations plus anciennes, les enlumineurs s’appuyaient sur les textes qu’ils devaient illustrer. Cela explique que l’iconographie de l’éléphant a peu évolué avant la fin du Moyen-Âge, même dans le Livre des Merveilles de Marco Polo qui les décrit pourtant précisément.
Des exceptions sont cependant à noter. En effet, il existe quelques représentations médiévales réalistes, notamment en Angleterre, vers le milieu du XIIIe siècle. On a longtemps pensé que l’arrivée de l’éléphant d’Henri III pouvait expliquer ce fait. Mais, en réalité, certains spécialistes ont réfuté cette thèse : selon eux, certains manuscrits présentant un éléphant gris naturaliste aux proportions correctes, avec des défenses et des pattes normales, étaient antérieurs. C’est le cas pour les Chronica Majora (ouvrage de Matthew Paris) et aussi pour le Bestiaire Harley 3244 de la British Library.
Éléphant de cérémonie. Manuscrit MS Harley 3244 f.39, British Library, Londres.
Chronica Majora, partie II, Parker Library, ms. 16, fol. 151v.
On voit donc, à la lumière des différentes représentations que nous venons d’étudier, que le degré de réalisme dépend non seulement de la connaissance de l’animal (qui arrive grâce aux échanges avec l’Orient), mais avant tout du choix et de la formation de l’artiste…
Bibliographie
DUCHET-SUCHAUX, Gaston et PASTOUREAU, Michel, Le bestiaire médiéval, dictionnaire historique et bibliographique, Paris, Le léopard d’or, 2002, pp. 64-67
THIBOUT, Marc, L’éléphant dans la sculpture romane française, Paris, Société Française d’Archéologie, 1947.
TESNIERE, Marie-Hélène et DELCOURT, Thierry, « La licorne et l’éléphant », Bestiaire du Moyen-Âge : Les animaux dans les manuscrits, Paris, Samogy éditions d’art, 2004.