La tapisserie

L’éléphant dans la tapisserie

L’éléphant dans la tapisserie

Aux XVIIème et XVIIIème siècles

La tenture des Anciennes Indes

Tenture des Anciennes Indes : l'éléphant ou le cheval isabelle d'après Albert Eckhout et Frans Post
Albert ECKHOUT (d’après), Frans POST (d’après), Manufacture des Gobelins, Tenture des Anciennes Indes, L’Eléphant ou Le Cheval isabelle. Vers 1690, laine et soie. Musée du Loure

Deux tentures représentant les Indes furent créées à la Manufacture des Gobelins : les Anciennes et les Nouvelles Indes, celle-ci est la première exécutée.

Les tableaux qui servirent de cartons aux tapisseries de la première série furent donnés à Louis XIV en 1679 par Johan Maurits de Nassau Siegen (1604-1679), gouverneur des colonies hollandaises au Brésil. Johan Maurits fit représenter la faune et la flore brésilienne et employa à cette fin les peintres Albert Eckhout (v. 1610-1666) et Frans Post (1612-1680). Outre les tableaux donnés au roi de France, Johan Maurits ramena du Brésil de nombreux dessins et aquarelles par Eckhout qu’il conserva.

Quatre peintres des Gobelins « accommodèrent » les tableaux afin d’en faire 8 cartons de tapisserie de basse-lisse, il n’est pas possible de savoir quelle fut l’étendue des retouches effectuées par ces peintres sur les tableaux originaux. La première tenture fut alors tissée en 1687-1688 à la Manufacture. La grande nouveauté de cette tenture est la réunion de tous ces éléments du Nouveau Monde (palmiers, éléphant, …) alors que dans les œuvres antérieures, l’exotisme se limitait souvent à un seul élément, perdu dans une composition plutôt fantaisiste. On peut admirer la précision avec laquelle sont rendus les plis de la peau de l’éléphant, le soin apporté aux détails des différents animaux, presque « saisis sur le vif ».

La tenture des Anciennes Indes eut un grand succès mais les tissages successifs endommagèrent très sérieusement les cartons. Le directeur des Bâtiments du Roi, Philibert Orry (1635-1747) décida alors de l’exécution de nouveaux modèle en 1737 : ce furent les Nouvelles Indes.

La tenture des Nouvelles Indes

Tenture des Nouvelles Indes représentant un éléphant par Desportes et tissée à la Manufacture des Gobelins
Alexandre-François DESPORTES (d’après), Michel-Henri CROIZETTE (atelier de), Manufacture des Gobelins. La tenture des Nouvelles Indes : l’éléphant. Tissage : 1788-1792. Basse lisse, laine et soie. Collection du Mobilier National. Photo par P. Sebert.

Le succès de la tenture des Anciennes Indes entraînant l’usure des cartons rendit impossible tout nouveau tissage. Mais afin de répondre à cet engouement, cette seconde série fut entreprise. Le peintre Alexandre-François Desportes (1661-1743) fut chargé de recréer entièrement des cartons entre 1737 et 1741.

Il rajouta des éléments aux compositions précédentes, s’inspirant d’études zoologiques et botaniques comme celles de Nicasius Bernaerts (1608-1678) ou de Pieter Boel (1622-1674).

Etude de deux têtes éléphant et un œil par Pieter Boel
Pieter BOEL, Etude de deux têtes d’éléphant tournées vers la droite et étude d’œil, XVIIe siècle. Pastel, pierre noire et rehauts de blanc sur papier. Musée du Louvre

Le carton de l’Éléphant fut le dernier achevé. L’éléphant se trouve sous un Anarcadium occidentale (un arbre originaire d’Amérique du Sud) et est entouré d’animaux exotiques (un léopard, un serpent, un tamanoir, un faisan d’Inde,..) ainsi que de deux figures humaines, une femme noire et son enfant ramassant des fruits.

Le succès fut encore au rendez-vous car entre 1740 et 1792, 103 tapisseries furent tissées de la série des Nouvelles Indes. La tenture conçue par Desportes diffère de la précédente car elle répond à l’exotisme du XVIIIème siècle. Elle représente un monde exotique, s’attachant plus à la  rêverie qu’à une figuration méticuleuse des détails de la faune et la flore du Nouveau Monde.

Il est intéressant de noter que la série des Nouvelles Indes s’est moins bien conservée que celle des Anciennes Indes. En effet l’élargissement de la gamme des coloris utilisés pour les tapisseries à la Manufacture des Gobelins à partir de 1735 s’est faite au détriment de la stabilité des couleurs.

Au XIXème siècle

Tapisserie dite a l'éléphant ou l'asie tissée à Aubusson dans les ateliers de Sallandrouze à Aubusson sur des dessins attribués à Couder
Charles-Jean SALLANDROUZE DE LAMORNAIS, Jean-Baptiste-Amédée COUDER (dessin attribué à). Tapisserie à l’éléphant dite l’Asie, 1844, laine et soie. Musée du Louvre
Tapisserie dite a l'éléphant ou l'asie tissée à Aubusson dans les ateliers de Sallandrouze à Aubusson sur des dessins attribués à Couder
Détail de la tapisserie à l’éléphant dite l’Asie, musée du Louvre

Cette tapisserie conservée au musée du Louvre fut tissée dans la manufacture de tapis d’Aubusson dirigée par Alexis Sallandrouze dont les pièces eurent un grand succès lors des expositions universelles.

Le dessin de cette tapisserie à l’éléphant dite « L’Asie » est attribué à Jean-Baptiste Amédée Couder (1797-1864) qui s’inspira de différentes sources notamment de l’art islamique. Sa composition n’est pas sans rappeler les tentures des siècles précédents, notamment Les Anciennes et Nouvelles Indes.

 

 

D’autres exemples

Tapisserie L'éléphant d'un ensemble de cinq représentant des grotesques dessiné par Jean Baptiste Monnoyer et Guy Louis Vernansal tissée à la Manufacture de Beauvais et conservée au Metropolitan Museum
Jean-Baptiste MONNOYER (dessiné par), Guy Louis VERNANSAL l’ancien (bordure dessinée par), manufacture de Beauvais. L’Éléphant (ensemble de cinq tapisseries représentant des Grotesques). Dessinée vers 1688, tissée vers 1690-1711. Laine et soie. Metropolitan Museum.

Au XVIIème siècle :  L’Éléphant d’un ensemble de cinq tapisseries de grotesques, sur un dessin de Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699) dans le style de Jean Bérain (1640-1711), conservée au Metropolitan Museum. Dessinée vers 1688 et tissée vers 1690-1711.

Lexique
Carton de tapisserie : les artistes fournissent souvent de petits modèles de la futur tapisserie que les peintres de la manufacture transcrivent à grandeur d’exécution.
Basse-lisse : une tapisserie en basse-lisse est réalisée sur un métier horizontal.

Bibliographie
Vittet (Jean), Les Gobelins au siècle des Lumières, un âge d’or de la manufacture royale,  Paris, Swan, 2014.

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