Cette représentation de l’éléphant fleurdelisé prend place dans la Galerie de François Ier au Château de Fontainebleau, dans la seconde travée nord de ladite galerie. Rosso Fiorentino conçoit une composition centrée autour d’un éléphant monumental, situé au cœur d’une arène romaine.
L’éléphant est richement harnaché. Il porte sur le front un écu présentant une salamandre, symbole de François Ier, qui se nourrit du bon feu et éteint le mauvais. Son caparaçon semé de fleurs de lys est accompagné du chiffre royale (F).
Tout porte à croire alors que l’éléphant est le symbole même de François Ier, de la royauté française. Il est régulièrement prêté au pachyderme de nombreuses qualités : sagesse, prévoyance, bonté, douceur, intelligence. Autant de qualités qui sont, de facto, par cette représentation, assimilées au roi de France. L’éléphant fleurdelisé est alors une grandiose manifestation de la sagesse royale et de sa puissance impérieuse.
Cette mise en scène demeure assez inhabituel dans la représentation du pouvoir des rois de France. Si les divinités, héros antiques ou autres manifestations surhumaines sont régulièrement utilisés, les animaux occupent une place mineure dans l’iconographie royale, en particulier l’éléphant. On retrouve quelques occurrence de l’association de l’éléphant à l’image impériale, dans l’Antiquité. En effet, lors de son retour d’Afrique, César triomphe à Rome à la tête de plus de 40 éléphants, entre autres animaux impressionnants.
Bibliographie
Panosfsky (Dora et Erwin), Étude iconographique de la Galerie François Ier à Fontainebleau, Brionne, Gérard Montfort, 1992.
Joukovsky (Pierre et Françoise), A travers la Galerie François Ier, Paris, Libraire Honoré Champion, 1992.
Deux tentures représentant les Indes furent créées à la Manufacture des Gobelins : les Anciennes et les Nouvelles Indes, celle-ci est la première exécutée.
Les tableaux qui servirent de cartons aux tapisseries de la première série furent donnés à Louis XIV en 1679 par Johan Maurits de Nassau Siegen (1604-1679), gouverneur des colonies hollandaises au Brésil. Johan Maurits fit représenter la faune et la flore brésilienne et employa à cette fin les peintres Albert Eckhout (v. 1610-1666) et Frans Post (1612-1680). Outre les tableaux donnés au roi de France, Johan Maurits ramena du Brésil de nombreux dessins et aquarelles par Eckhout qu’il conserva.
Quatre peintres des Gobelins « accommodèrent » les tableaux afin d’en faire 8 cartons de tapisserie de basse-lisse, il n’est pas possible de savoir quelle fut l’étendue des retouches effectuées par ces peintres sur les tableaux originaux. La première tenture fut alors tissée en 1687-1688 à la Manufacture. La grande nouveauté de cette tenture est la réunion de tous ces éléments du Nouveau Monde (palmiers, éléphant, …) alors que dans les œuvres antérieures, l’exotisme se limitait souvent à un seul élément, perdu dans une composition plutôt fantaisiste. On peut admirer la précision avec laquelle sont rendus les plis de la peau de l’éléphant, le soin apporté aux détails des différents animaux, presque « saisis sur le vif ».
La tenture des Anciennes Indes eut un grand succès mais les tissages successifs endommagèrent très sérieusement les cartons. Le directeur des Bâtiments du Roi, Philibert Orry (1635-1747) décida alors de l’exécution de nouveaux modèle en 1737 : ce furent les Nouvelles Indes.
La tenture des Nouvelles Indes
Le succès de la tenture des Anciennes Indes entraînant l’usure des cartons rendit impossible tout nouveau tissage. Mais afin de répondre à cet engouement, cette seconde série fut entreprise. Le peintre Alexandre-François Desportes (1661-1743) fut chargé de recréer entièrement des cartons entre 1737 et 1741.
Il rajouta des éléments aux compositions précédentes, s’inspirant d’études zoologiques et botaniques comme celles de Nicasius Bernaerts (1608-1678) ou de Pieter Boel (1622-1674).
Le carton de l’Éléphant fut le dernier achevé. L’éléphant se trouve sous un Anarcadium occidentale (un arbre originaire d’Amérique du Sud) et est entouré d’animaux exotiques (un léopard, un serpent, un tamanoir, un faisan d’Inde,..) ainsi que de deux figures humaines, une femme noire et son enfant ramassant des fruits.
Le succès fut encore au rendez-vous car entre 1740 et 1792, 103 tapisseries furent tissées de la série des Nouvelles Indes. La tenture conçue par Desportes diffère de la précédente car elle répond à l’exotisme du XVIIIème siècle. Elle représente un monde exotique, s’attachant plus à la rêverie qu’à une figuration méticuleuse des détails de la faune et la flore du Nouveau Monde.
Il est intéressant de noter que la série des Nouvelles Indes s’est moins bien conservée que celle des Anciennes Indes. En effet l’élargissement de la gamme des coloris utilisés pour les tapisseries à la Manufacture des Gobelins à partir de 1735 s’est faite au détriment de la stabilité des couleurs.
Au XIXème siècle
Cette tapisserie conservée au musée du Louvre fut tissée dans la manufacture de tapis d’Aubusson dirigée par Alexis Sallandrouze dont les pièces eurent un grand succès lors des expositions universelles.
Le dessin de cette tapisserie à l’éléphant dite « L’Asie » est attribué à Jean-Baptiste Amédée Couder (1797-1864) qui s’inspira de différentes sources notamment de l’art islamique. Sa composition n’est pas sans rappeler les tentures des siècles précédents, notamment Les Anciennes et Nouvelles Indes.
D’autres exemples
Au XVIIème siècle : L’Éléphant d’un ensemble de cinq tapisseries de grotesques, sur un dessin de Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699) dans le style de Jean Bérain (1640-1711), conservée au Metropolitan Museum. Dessinée vers 1688 et tissée vers 1690-1711.
Lexique Carton de tapisserie : les artistes fournissent souvent de petits modèles de la futur tapisserie que les peintres de la manufacture transcrivent à grandeur d’exécution. Basse-lisse : une tapisserie en basse-lisse est réalisée sur un métier horizontal.
Bibliographie
Vittet (Jean), Les Gobelins au siècle des Lumières, un âge d’or de la manufacture royale, Paris, Swan, 2014.